Angèle Bastiani : « La Corse a connu une très bonne année en termes de fréquentation touristique »

Accueil / Actualités / Angèle Bastiani : « La Corse a connu une très bonne année en termes de fréquentation touristique »
Pas de contact associés

Angèle Bastiani : « La Corse a connu une très bonne année en termes de fréquentation touristique »

22/10/23
 
 
Malgré les inquiétudes, la saison touristique 2023 en Corse s’achève sur une note positive, avec des chiffres de fréquentation presque identiques à l’année précédente, selon l’Agence du Tourisme de Corse. Néanmoins, des disparités sectorielles se font ressentir, notamment dans l’hébergement. Pour CNI, Angèle Bastiani, présidente de l’ATC, analyse les raisons derrière ces variations et dévoile les mesures envisagées par l’agence pour promouvoir un tourisme équilibré et durable, en favorisant une meilleure répartition des visiteurs tout au long de l’année.
D’abord, pourriez-vous nous donner un aperçu du bilan de la saison touristique en Corse cette année ? Est-il aussi catastrophique que ce que certains professionnels avaient annoncé ?
– Il y a plusieurs éléments chiffrés qui permettent d’évaluer une année touristique. Le premier d’entre eux, et celui sur lequel l’ATC travaille prioritairement est la fréquentation. Il s’avère que du 1er janvier au 30 septembre 2023, la CCI nous informe que 7 026 392 passagers ont transité par les ports et aéroports de Corse. L’an dernier, à la même date, 7 057 342 passagers avaient été recensés. Nous sommes donc sur une stabilité quasi parfaite du nombre de passagers par rapport à 2022 qui était, selon tous les observateurs, une très bonne année en termes de fréquentation. La différence se fait sur la répartition de ces voyageurs sur l’année : on note par rapport aux années précédentes une augmentation de la fréquentation en hiver, au printemps et en automne. Les deux mois de saison estivale, eux, connaissent une légère baisse (4% environ). L’étalement du flux de touristes, nécessaire pour notre île, est une priorité politique confirmée à de maintes reprises depuis le vote du PADDUC en 2014. Cet objectif commence à devenir une réalité.
Les statistiques de fréquentation des ports et aéroports semblent être positives, mais certains professionnels rapportent avoir accueilli moins de visiteurs. Comment expliquez-vous cette disparité entre les chiffres officiels et les témoignages des acteurs locaux ?

– 
Tout d’abord, il faut savoir que le terme « professionnels du tourisme » regroupe de nombreuses corporations aux réalités bien distinctes : les hébergeurs, les restaurateurs, les transporteurs, les activités de loisir… Chacune de ces catégories ayant des sous-catégories qui ont elles-mêmes leurs propres réalités. Ainsi, si la fréquentation touristique 2023 s’avère en effet équivalente à celle de l’année précédente, le taux de satisfaction des professionnels de l’hébergement, que nous analysons dans notre note de conjoncture mensuelle, est inférieur à celui de l’an dernier. En août, par exemple, les professionnels déclarent un taux de remplissage de 77%, contre 82% en 2022. Toujours au mois d’août, 50% d’entre eux déclarent avoir constaté une stabilité de leurs réservations par rapport à 2022, 10% une augmentation, et 40% une baisse. Concernant le chiffre d’affaires, les statistiques sont à peu près équivalentes à celles des taux de réservation. Il ne s’agit donc pas d’une année catastrophe pour l’ensemble des professionnels du tourisme, mais d’une année où certains professionnels, principalement hébergeurs et restaurateurs, ont souffert, et nous l’ont fait savoir. 
– De nombreux acteurs du secteur touristique en Corse attribuent la baisse de fréquentation à l’absence d’une politique touristique claire. Comment répondez-vous à ces critiques ?
– On ne peut pas à la fois nous accuser de ne pas avoir de politique touristique, et critiquer en même temps notre politique touristique. Notre politique existe, et elle est très claire. Elle est définie par le PADDUC depuis 2014, affirmée et confirmée par les orientations successives : « un tourisme durable, fondé sur l’identité, largement réparti sur l’année et les territoires ». Ce sont les mots du PADDUC. Cela se décline, de manière opérationnelle, par ce que nous appelons la « déconcentration » touristique : géographique, temporelle et de provenance. Afin de rendre pérenne et acceptable l’activité touristique en Corse, les touristes doivent se répartir plus largement dans le temps, dans l’espace, et doivent provenir de destinations diverses en Europe et dans le monde. C’est ce que j’ai expliqué à de multiples reprises, et c’est apparemment cela qui m’a été reproché par la suite, par certains. Il n’y a pourtant aucune surprise, ces décisions sont approuvées en Conseil d’Administration de l’ATC régulièrement, y compris par les représentants des hôteliers. Cette direction est la seule qui puisse permettre à la Corse d’adopter un tourisme durable, socialement, économiquement, et en matière d’environnement. Un sondage paru chez vos collègues de Paroles de Corse en août démontre d’ailleurs que les Corses comprennent ces orientations : 67% s’y déclarent favorables (et 78% chez les électeurs nationalistes).
 

– Finalement la stratégie de ne pas promouvoir la destination Corse en juillet et août a-t-elle porté ses fruits ?
– Vous savez, une déclaration de ma part fin mai ne risque pas d’avoir un quelconque impact sur le mois de juillet, alors que la grande majorité des touristes ont déjà réservé leur billet et leur hébergement depuis longtemps… En revanche, la meilleure répartition des flux constatée cette année est certainement le fruit de plusieurs années d’engagements en ce sens, par l’ATC et tous ses partenaires. Il faut savoir que ce qui a fait réagir certains cette année existe depuis très longtemps à l’ATC. La promotion pour les mois de juillet et août était en diminution constante, jusqu’à devenir quasi inexistante. Je vais en réexpliquer les raisons, une fois encore : nous disposons, à l’ATC, d’un budget de promotion de 5 millions d’euros par an. Il s’agit d’une goutte d’eau dans l’océan de promotion naturelle faite en faveur de notre île, de toutes parts. On peut citer la promotion des opérateurs privés, par exemple, comme les transporteurs ou les hébergeurs, celle des journalistes, des blogueurs ou des influenceurs, etc… Cette gigantesque promotion non-officielle touche beaucoup plus de personnes que notre promotion institutionnelle. Incontrôlée, elle est centrée sur l’été, sur la plage, le GR20, et quelques sites emblématiques. Notre rôle d’agence publique est-il de venir rajouter de la promotion estivale balnéaire à cette masse déjà très importante ? Ou bien au contraire, de consacrer notre budget de promotion (7 fois inférieur à celui de la Sardaigne par exemple) à orienter les flux différemment ? Poser la question, c’est y répondre. Pour information, selon le CSA, en 2023 la Corse reste la région qui bénéficie de la plus forte présence médiatique au plan touristique, devant l’Occitanie et la Bretagne. Que personne ne s’inquiète : nous sommes bien loin d’avoir disparu des radars…
– Récemment, le président de l’Exécutif de Corse a tenu des réunions avec des professionnels du tourisme qui réclament des aides pour surmonter les difficultés. Pourriez-vous nous informer des décisions prises lors de ces rencontres et nous expliquer quelles mesures l’Agence du Tourisme de Corse peut mettre en œuvre pour répondre aux besoins du secteur ?
– Nous avons en effet rencontré à deux reprises les représentants des professionnels avec le Président, les conseillers exécutifs et les Chambres consulaires. Ces derniers nous ont fait remonter les difficultés qu’ils rencontrent au quotidien. Nous avons pris l’engagement de les accompagner sur un certain nombre de points. Tout d’abord la construction commune d’un plan suite aux difficultés rencontrées en 2023. La seconde décision a été de construire des ateliers de travail mixtes entre le conseil exécutif de Corse et les Socioprofessionnels sur différents thèmes. Enfin, nous avons acté la construction d’un plan concerté concernant les évolutions et mutations nécessaires du modèle touristique à intégrer dans le processus d’évolution institutionnelle en cours de discussion entre la Corse et le Gouvernement. La puissance publique ne reste donc pas passive.

Alors que la saison touristique à venir se prépare déjà, pourriez-vous nous donner un aperçu des stratégies que l’Agence du Tourisme de Corse prévoit de mettre en place ?

– Nous continuons à travailler sur nos trois axes principaux : l’observation, le développement et la promotion. En termes d’observation, nous aurons en 2024 des données encore plus fiables et complètes, notamment concernant les transports, la popularité de la destination, le détail du comportement des touristes… Pour ce qui concerne le développement, nous poursuivons le soutien financier auprès de tous les professionnels engagés dans des démarches vertueuses, comme l’Eco-Label européen, pour lequel nous sommes les meilleurs élèves de France, ou encore l’accueil vélo, ou le label tourisme handicap. Plus globalement, nous continuerons à aider activement la montée en qualité de l’offre touristique via notre guide d’aides très complet. Enfin, concernant la promotion, nous allons accentuer notre politique de mise en valeur de la Corse à l’année via les thématiques comme gastronomie et vin, culture et patrimoine, sport et nature… Nous allons déployer différemment nos budgets, en privilégiant la communication digitale ciblée, mais aussi à travers la création en 2024 d’un espace permanent de promotion de la Corse en Italie, destiné à ancrer les liens entre nos territoires. Nous travaillons également sur l’ouverture et la consolidation des lignes aériennes touristiques avec la CCI, les différents offices de la CdC et les compagnies aériennes. Notre partenaire Air Corsica vient d’ailleurs d’annoncer l’augmentation des rotations envers Rome et Milan l’an prochain, du printemps à l’automne. Ces liaisons qui sont le fruit de notre travail en commun. Les compagnies maritimes ont également annoncé de nouvelles connexions entre Gênes, Porto Torres, Piombino et les ports d’Ajaccio et Bastia. La Suisse et la Belgique, marchés prioritaires, font actuellement l’objet d’un travail sur le renforcement des connexions aériennes directes. De nombreuses autres nouveautés verront le jour en 2024 en termes de connectivité maritime et aérienne, du printemps à l’automne. La réussite de notre économie touristique passe aussi par là.

Share This