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Renaud Muselier : « On a besoin de la culture pour relancer le tourisme »

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Renaud Muselier : « On a besoin de la culture pour relancer le tourisme »

02/05/20

Le président de la région Sud revendique « l’action » face au ministre et aux acteurs culturels en détresse

« La confiance se met en place », analyse Renaud Muselier pour définir sa relation avec un monde de la Culture mis à l’arrêt par la crise sanitaire du Covid-19. De confiance, les directeurs des festivals annulés (derniers en date, les Rencontres d’Arles et Marseille Jazz des 5 continents), les responsables de compagnies et de lieux, les intermittents, en ont grandement besoin. Pour répondre à leurs interrogations, le Président LR de la Région Provence-Alpes-Côte d’Azur et président des Régions de France, a échangé avec Franck Riester, ministre de la Culture, puis avec les acteurs culturels. L’objectif : limiter les dégâts et faire repartir un secteur dont l’impact sur l’économie est estimé chez nous à 400 millions d’euros.

Comment trouvez que Franck Riester a géré les conséquences de cette crise sanitaire sur le monde de la Culture ?

Renaud Muselier : Je ne veux pas de polémique. En tant que président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur et en tant que président des Régions de France, j’ai proposé aux présidents une démarche, celle d’être dans l’action, d’apporter des réponses, des solutions. C’est pour cela que je participe aux réunions Élysée-Matignon-Bercy, en abordant tous les dossiers. Et quand une question se pose, il faut l’aborder avec bon sens. En ce qui concerne la Culture, après avoir traité une grande partie du dossier sur les fonds de solidarité, sur le chômage technique, j’avais interpellé le ministre sur une position qu’il avait prise sur la tenue des festivals qui manquait de clarté. Les filières estivales, dans notre Région, sont composées par le Tourisme et par la Culture et elles sont directement liées l’une à l’autre : on fait normalement 20 milliards d’euros sur le tourisme, or, dans le mois et demi écoulé, on a perdu cinq milliards, ce qui est énorme. Sans compter les difficultés qu’on va rencontrer sur le plan social. Sur les 750 festivals, dont les 20 plus importants sur les plans national et international, qui représentent deux millions de spectateurs, on a un impact global sur l’économie proche de 400 millions d’euros. Ça, c’est cuit ! Ça représente des artistes, des compagnies, des intermittents, et une aide financière de la Région de près de 7 millions d’euros, qui ont été mandatés au 14 avril, mis en subventions et en engagements. Et la première décision que nous avons prise, au niveau de la Région, a été de maintenir ce niveau d’engagement, de façon à ce que ce tissu culturel extrêmement dense et assez exceptionnel, puisse repartir. Même si la saison 2020 est terminée, il faut préparer 2021.

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Êtes-vous écouté et entendu ?

Renaud Muselier : L’avantage, en tant que président des Régions de France, c’est que je suis immédiatement en contact avec les ministres sur les positions qu’ils prennent, pour m’y adapter ou les compenser. C’est un gain de temps : car on ne doublonne pas les aides et on est immédiatement au courant des dispositifs mis en place par l’État pour sauver les entreprises, les associations ou l’économie sociale et solidaire. Il y a des mesures qui sont adaptées ou adaptables, et les artistes ne sont pas forcément au courant. Parallèlement à ça, on a mis en appui, un plan d’urgence, de solidarité et de relance au niveau régional qui est de 1,4 milliard d’euros et qui fait que, normalement, personne ne doit être laissé sur le bord du chemin.

Quels sont les engagements que le ministère de la Culture vous a donnés ?

Renaud Muselier : On a clarifié un certain nombre de points : d’abord il y aura cette semaine une réunion avec tous les vice-présidents culture des Régions de France. Nous avons décidé de mettre en place avec les CTC (ndlr, Conseil des Territoires pour la Culture), une relation territoriale avec les acteurs de la Culture, sous la double autorité du Drac et de la Région. Nous avons parlé de la lisibilité pour les festivals, ceux qui attirent plus de 5 000 personnes, et les autres, avec des contraintes sanitaires. Il y avait un différend entre nous sur cette question, car il y avait un manque de clarté : de mon point de vue, quelle que soit sa taille, sans masques et avec les lieux de convivialité fermés, un festival ne pouvait pas se tenir. Si l’imagination et l’organisation rendent possible la tenue d’un festival, on fera tout simplement une dérogation. Un exemple : le Festival international de piano de La Roque d’Anthéron, où la jauge est autour de 2 000 habituellement, et où ils vont répartir dans le parc des jauges à 500 personnes. C’est une démarche très différente, en extérieur.

Et cela peut encore évoluer dans un sens positif comme négatif ?

Renaud Muselier : Effectivement, si tous les départements de la région passent au vert, on pourra envisager les mois de juillet, d’août et de septembre différemment.

Sauf si survenait une deuxième vague ?

Renaud Muselier : Je suis sur la thèse du professeur Raoult, je n’y crois pas mais je l’anticipe. À partir du moment où le gouvernement craint une deuxième vague, je dois m’intégrer à cette logique. Une ligne directrice doit être fixée par notre pays avec la nécessité de décentraliser et de différencier. La seule chose qui compte pour moi qui suis médecin, c’est de protéger nos concitoyens pour qu’il n’y ait pas un rebond. Dans un festival, qui est un lieu de joie, d’échanges et d’élévation intellectuelle, c’est difficile d’être loin les uns des autres.

En 2003, lors de l’annulation des festivals à cause de la crise des intermittents, l’État avait déboursé 1,27 million d’euros pour le seul Festival d’Avignon. Il ne pourra pas en être de même dans les circonstances actuelles mais le ministre s’est-il néanmoins engagé ?

Renaud Muselier : Il ne s’est engagé sur rien. On a abordé les festivals et les différents problèmes financiers qu’ils vont rencontrer. Il m’a expliqué qu’il était en discussion pour la création d’un fonds de soutien aux festivals, à l’intérieur des lignes budgétaires de Bercy. Mais il y a tellement d’arbitrages ! En 2003, une grève avait entraîné un désastre économique, ciblé sur un secteur. Là, la totalité du pays est à l’arrêt, donc je n’ai pas de réponse financière, c’est à lui de répondre.

 Pensez-vous pouvoir travailler avec le ministre, dossier par dossier ?

Renaud Muselier : Le périmètre du ministère est vaste et complexe. Je suis fixé sur les festivals, il y a pour l’instant une prise en considération de ce problème. Je suis, moi, dans l’action, aux côtés des directeurs de festivals, pour avancer et ne pas les laisser sans réponse. Le premier problème qu’ils ont, est celui des intermittents : le fait que nous ayons, à la Région, maintenu la totalité de nos actions budgétaires, leur donne de la visibilité par rapport à leurs modalités opérationnelles de financement. J’avais proposé, avant la crise, une convention avec les festivals sur trois ans. Elle leur garantit une forme de restructuration et de la sérénité car la collectivité s’engage. On a besoin de la culture pour relancer l’activité touristique.

Les syndicats de la culture alertent sur le fait que certains maires s’apprêteraient à décider de garder les théâtres fermés jusqu’à la fin de l’année voire au début 2021. Que dîtes-vous à ces maires ?

Renaud Muselier : Le maire est souverain chez lui mais a-t-il raison d’envisager de garder fermés ses lieux culturels ? Je suis prêt à discuter avec les maires qui seraient sur cette logique. On pourra, si nos trois cartes sont vertes en juin, celle de la tension hospitalière, celle de la circulation du virus et la troisième, qui est la synthèse des deux, ouvrir les théâtres en septembre, dans la mesure où les règles sanitaires pourront être observées. Mais il faut continuer à faire des efforts. Ne rien lâcher.

la provence du 2 mai

 

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