quel avenir pour le transport aérien : deux scénarios extrêmes pour les compagnies
Quel va être l’avenir du transport aérien après la crise liée au Covid-19 ? Jean-Louis Baroux, notre expert aérien, dresse un scénario pessimiste et un autre beaucoup plus optimiste… Lequel sera la bonne route ? Sans doute un peu les deux !
Bien malin qui peut prédire le futur du transport aérien.
Les prévisions des savants organismes tels que IATA, sont démenties aussitôt publiées.
Il faut dire que l’exercice est particulièrement périlleux tant il y a de pseudos décisionnaires : les Etats, les compagnies aériennes mais aussi les aéroports, les constructeurs, les fournisseurs de services et les salariés bien entendu.
Chacun d’entre eux peut être facteur d’accélération ou de freinage quant à la reprise du secteur d’activité. On peut cependant esquisser deux scénarios extrêmes.
Le scénario pessimiste
Il commence par une grande timidité quant à la réouverture de l’espace aérien.
Chaque pays considère les autres comme de potentiels sources de problèmes sanitaires, une quarantaine reste en vigueur pour nombre de trafics et au final les clients sont découragés de voyager. Mais ce n’est pas tout.
Les médias continuent à instiller auprès des clients la peur de voler, tout au moins de se trouver dans un ensemble confiné.
Et les entreprises largement impactées freinent les déplacements de leurs collaborateurs en privilégiant les conférences audiovisuelles.
Enfin les écologistes les plus acharnés mettent une forte pression sur les gouvernements pour que ces derniers limitent administrativement les opérations des transporteurs.
Alors le système s’enfonce dans une spirale dangereuse. Les compagnies, anticipant une forte réduction de leur activité commencent par licencier à tout de bras, ce qui créé du chômage et une perte de pouvoir d’achat.
Le transport aérien devient alors un luxe dont beaucoup peuvent se passer. Alors les compagnies qui ont de moins en moins de clients n’arrivent pas à assumer leurs échéances et elles sont contraintes à déposer leur bilan.
Voyant cette situation, les rescapés se livrent à une terrible guerre tarifaire pour reconstituer à toute force leur trésorerie. Ce faisant ils accélèrent leurs difficultés.
Enfin les constructeurs perdent leurs clients. Ils ne savent pas comment garder un minimum d’activité. Les appareils sortis des chaînes continuent à encombrer les parkings. Les sociétés de leasing aussi puissantes soient elles s’enfoncent elles aussi dans les pertes.
Au final, sur le millier de compagnies aériennes actuelles, seule une toute petite partie, largement soutenue par leurs Pouvoirs Publics respectifs, peut survivre. Le transport aérien mettra une décennie au moins pour s’en remettre.
Mais il existe aussi l’autre revers de la médaille.
Le scénario optimiste
Le besoin de se déplacer est puissant. C’est la liberté à laquelle chacun est attaché. Au lieu d’être un luxe, le déplacement en avion est une nécessité. Les entreprises le comprennent très bien.
Les vidéo conférences sont certes intéressantes mais pas suffisantes pour conclure les affaires et il est urgent de faire repartir la machine économique.
Alors les voyages d’affaires repartent très vite. Dans le même temps, les grands organismes qui gèrent le transport aérien : l’OACI, IATA, l’ACI, l’OMS se mettent rapidement d’accord pour organiser sur le plan mondial les conditions sanitaires obligatoires en attendant un vaccin qui devrait être mis sur le marché avant la fin de l’année.
Les avions sont disponibles et il est probable que les constructeurs les mettront sur le marché à des prix avantageux.
Les pilotes et les personnels navigants effrayés de se retrouver sans emploi, donneront à leurs directions des gages de modération. Enfin les compagnies aériennes retrouvent le bon sens quant à leurs relations avec les agents de voyages.
Elles donnent un coup d’arrêt à la folie de création tarifaire par leurs services de «yield management », et elles reviennent à un système de commissionnement pour les agents de voyages tout au moins pour les tarifs les plus élevés. C’est ainsi, que même si la demande baisse, le chiffre d’affaires est maintenu par l’amélioration du prix moyen des billets.
Et, cerise sur le gâteau, les instances dirigeantes de IATA acceptent finalement la création d’un fonds destiné à sécuriser l’argent des clients qui n’ont pas encore consommé leurs vols.
Ainsi une confiance mutuelle est retrouvée et la machine peut repartir d’autant plus rapidement que les passagers ont été frustrés pendant de trop longs mois.
La vérité se trouvera probablement entre les deux. Les gouvernements ont une énorme responsabilité : celle d’ouvrir leurs frontières et de ne pas faire peser sur le secteur d’activité le plus créateur de richesse, des contraintes administratives et des ajouts de taxes dont ils sont coutumiers.
Mais les transporteurs ont aussi leur part de responsabilité. Il leur faudra revenir au bon sens. Laisser aux transporteurs « Low Costs » la clientèle d’entrée de gamme et arrêter la course folle aux prix d’appel.
tourmag du 5 juin