Coronavirus : « Le tourisme paiera encore l’addition en 2022 »
Un coup d’arrêt brutal, et des conséquences sur le long terme : interrogés par le cabinet Roland Berger, les pros du tourisme livrent leur vision de l’impact de la crise du covid-19, et des bouleversements qu’elle va engendrer.
Un coup d’arrêt brutal, et des conséquences sur le long terme : interrogés par le cabinet Roland Berger, les pros du tourisme livrent leur vision de l’impact de la crise du covid-19, et des bouleversements qu’elle va engendrer.
Les pros le savent déjà : la convalescence sera longue. Interrogés par le cabinet Roland Berger*, les dirigeants d’entreprise du tourisme dépeignent sans surprise des perspectives inquiétantes pour leur activité. Pour l’année 2020, les professionnels du secteur estiment que la crise du Covid-19 aura un impact moyen de 40% sur leur chiffre d’affaires. En montagne, les opérateurs ont ainsi perdu la fin de la saison d’hiver. Perdues aussi, les vacances de Pâques (qui représentent 5 à 10% du chiffre d’affaires selon les professionnels. Mai (-75%) et juin (-60%) ne s’annoncent guère mieux. Sur les mois cruciaux de juillet et août, les professionnels anticipent une baisse du chiffre d’affaires de respectivement -30% et -40%. Des chiffres qui traduisent donc une lente reprise.
Et le bilan s’annonce aussi très lourd en termes de profitabilité, avec un recul estimé à 64% de la profitabilité (EBITDA/ EBE) sur l’échantillon. Malgré un impact considérable, l’hôtellerie de plein air (campings / groupes de campings dont l’activité est supérieure à 10 M€ de chiffre d’affaires) serait moins touchée (-40% de profitabilité) que le tour-operating, qui plonge à -79%.
Des vacances pas loin, et pas chères
A quoi ressemblera donc la reprise ? Les pros interrogés sont désormais une minorité à croire à une réaction et à un pic de consommation euphorique post-confinement. Le flou règne néanmoins, et les pros “privilégient un scénario de prudence et de reprise moyenne, voire de réticence prolongée”, observe le cabinet Roland Berger. Une reprise conditionnée aussi bien à l’offre qu’à la demande. La confiance des ménages sera ainsi l’élément déterminant de la reprise (68% des pros interrogés sont tout à fait d’accord). Les professionnels craignent aussi un budget plus faible, et des vacances plus courtes, favorisant l’hébergement non marchand.
Autre élément marquant : la proximité. 99% des professionnels estiment que les Français prendront moins l’avion et vont rester en France, voire dans un environnement ultra local cet été. Parallèlement, le volume de vacanciers étrangers en France devrait décroître de façon significative (71% des pros interrogés tout à fait d’accord).
Au niveau de l’offre, les acteurs interrogés pensent que la reprise sera conditionnée à un recours généralisé à des mesures sanitaires (test de dépistages massifs, mise en place d’équipements sanitaires…). Le gouvernement fixera-t-il des limites aux capacités d’accueil ? Sur ce point, la profession se montre partagée. Mais les pros sont en revanche d’accord sur le fait que la reprise sera différenciée entre les pays.
Un marché franco-français
“L’enjeu est ainsi majeur pour les sociétés du tourisme et des loisirs à concentrer leur activité marketing et commerciale auprès des clients français dans un marché qui sera franco-français, analyse l’étude. Mais face à un volume de vacances moins important, la compétition sera rude entre les différents segments de vacances et la question du report de volume d’un segment d’hébergement vers l’autre (en termes de budget et de profil de site) reste ouverte : va-t-il y avoir du report du tour-operating haut de gamme à l’étranger vers du Club ou de l’hôtellerie haut de gamme en France, des Clubs vers l’hôtellerie de plein-air, du haut de gamme vers le moyen de gamme au sein même des segments ?”, s’interroge le cabinet Roland Berger.
Vers une reconfiguration du paysage concurrentiel
Il demeure aussi probable que face à une demande plus faible, ou à des contraintes sur l’offre, certains opérateurs n’ouvrent pas la totalité de leurs actifs, même sur la haute saison, ce qui occasionnera d’importantes pertes d’exploitation, les faibles revenus ne couvrant alors pas des coûts fixes.
Les professionnels interrogés anticipent un impact qui aura lieu bien au-delà de 2020. “L’addition continuera d’être payée en 2021 et 2022”, rapporte l’étude qui prédit “une reconfiguration du paysage concurrentiel”, “la grande majorité du secteur s’attendant à des mouvements de consolidation.” “La crise va durablement changer les pratiques des professionnels, qui devront notamment s’adapter pour prendre en compte des considérations sanitaires et environnementales, observe l’étude. Cette crise sera peut-être également un accélérateur du mouvement vers le local.”
La crise aura enfin un impact fort tant sur les propositions de valeur que sur les modèles économiques des entreprises du tourisme et des loisirs, prévoit l’étude. “Ainsi, 2/3 des entreprises pensent s’appuyer sur les enseignements de la crise pour réinventer leur produit, repenser leur architecture tarifaire (49%) voire nouer des partenariats avec des acteurs inédits (62%).” La refonte de la structure de coûts sera au cœur des activités des entreprises du secteur (79%), indique l’étude.
*Etude réalisée sur la base d’un questionnaire en ligne publié entre le 31 mars et le 3 avril 2020 auprès de professionnels du secteur du tourisme et des loisirs : hôtellerie de plein-air, hôtellerie traditionnelle, résidences de tourismes, villages vacances et clubs, tour- opérateurs, agences de voyages traditionnelles et en ligne, plateformes de réservation, opérateurs de parc d’attraction et de loisirs, opérateurs de Tours & Activities, prestataires de l’Hôtellerie restauration (dont logiciels), investisseurs spécialisés dans le secteur. Au total, 1 054 sociétés ont répondu à l’enquête. Les résultats se fondent sur l’analyse de 86 de ces répondants. La grande majorité des leaders des différents segments sont représentés dans cet échantillon.
echo touristique du 7 avril