Air Corsica : réouverture d’Orly, bilan du confinement et programme d’été.
Luc Bereni, président du directoire d’Air Corsica fait le point avec Gate 7 et s’exprime sans détour sur la réouverture d’Orly et l’actualité de la compagnie.
Air Corsica et 8 autres compagnies françaises ont signé une tribune pour réclamer la réouverture d’Orly. En quoi c’est si important d’être à Orly pour Air Corsica ?
Depuis plus de 20 ans, Air Corsica relie quotidiennement la Corse à Paris en utilisant l’aéroport d’Orly. La rupture brutale que nous avons dû subir depuis le 31 mars est très difficilement acceptable, tant par nos clients que par notre compagnie. Il faut savoir que même après le 17 mars, date du début du confinement, nos Airbus A320 ont continué à voler entre la Corse et Orly dans le cadre d’un programme minimum mis en place en concertation avec l’Office des Transports de la Corse, notre organisme de tutelle pour ces lignes relevant de conventions de Délégation de Service Public.
Face au silence d’ADP qui souffle le chaud et le froid depuis plusieurs semaines quant à une hypothétique réouverture à l’été, à l’automne, à l’hiver, ou même au printemps 2021, alors que le « NOTAM » encore en vigueur ce 8 mai indique que le terrain n’est fermé que jusqu’au 31 mai, il nous a fallu agir. D’une part, en nous alliant à nos huit consœurs françaises d’Orly en signant cette lettre ouverte adressée au autorités, et, d’autre part, en décidant d’anticiper les choses en rétablissant à partir du 2 juin, avec notre partenaire Air France, des vols directs entre les quatre aéroports corses et Paris, même si c’est à contre-cœur que nous allons devoir utiliser CDG pour cela. Nous espérons que ce transfert sera de la durée la plus courte possible et que nous finirons par être entendus afin de revenir vers Orly dans les délais les plus brefs. Il faut effectivement savoir que pour une compagnie comme la nôtre qui opère uniquement depuis le sud, la différence de temps de vol entre Orly et CDG est de dix minutes, auxquelles il faut ajouter cinq bonnes minutes supplémentaires de roulage, ADP nous faisant boire le calice jusqu’à la lie en ayant condamné le « doublet sud » de CDG, nous obligeant à utiliser les pistes situées au nord des installations, alors que l’aérogare 2 qui demeure en service est au sud. Si vous avez bien suivi, cela fait 30 minutes supplémentaires par rapport à Orly sur une rotation aller et retour entre la Corse et Paris. Nous sommes comme toutes les compagnies du monde face à de grandes difficultés d’ordre économique avec cette crise. Nous aurions apprécié qu’ADP ne nous mette pas de la sorte la tête sous l’eau avec cette fermeture d’Orly, d’où notre courroux, et notre combat avec mes collègues des autres compagnies françaises pour faire fléchir Monsieur de Romanet.
Comment s’est passé la période du confinement pour Air Corsica ?
C’est bien évidemment la plus grande épreuve que l’entreprise doit subir après 30 ans d’existence. Nous avons placé une très grande majorité de nos salariés en activité partielle, nous avons cessé toutes nos lignes régulières à l’exception que cinq aller-retour quotidiens effectués à destination de Marseille et de Nice dans le cadre du programme minimum de service public évoqué plus haut. En termes de trafic, cela ne représente plus que quelques petites centaines de passagers par jour, alors que nous en transportons jusqu’à 10.000 certains jours du printemps en temps normal. Nous avons par ailleurs été très vigilants dès le début de la crise sanitaire en mettant tout en oeuvre, avant même le début du confinement, pour protéger nos clients et nos équipages : diminution du nombre de sièges disponibles à bord de chaque appareil, port du masque par nos personnels navigants, renfort des procédures de nettoyage et de désinfection des cabines, suppression de la presse et du service à bord, etc.
Nous montons d’un cran avec l’amorce du déconfinement ce lundi 11 mai en imposant le port du masque à tous les passagers, en leur demandant de ne plus emporter de bagage en cabine et de rester assis pendant toute la durée du vol. Avec l’augmentation naturelle de la demande qui va se produire, nous tenons à être extrêmement vigilants et nous allons notamment innover en matière de procédures d’embarquement et de débarquement afin d’éviter à nos clients de se retrouver nez à nez dans les allées de nos avions. Comme on a pu le voir sur certains vidéos qui ont été postées par des passagers ayant voyagé sur d’autres compagnies c’est l’un des points faibles du système et nous nous devons d’anticiper cela.
Comment se présente la saison d’été 2020 ?
Il est très difficile de faire des prévisions pour la pleine saison d’été. Nous allons rester en activité réduite jusqu’à mi-juin au moins, en ajoutant simplement ces fameux vols Corse-CDG au programme existant. Ensuite, tout va dépendre de l’évolution de la situation sanitaire générale, et, en ce qui concerne la Corse, de la manière dont on pourra accueillir les touristes. Si les choses ne s’améliorent pas significativement sur le plan de la circulation du virus, il faut redouter une « saison blanche » pour la Corse, et par voie de conséquence pour Air Corsica, qui serait il faut bien l’avouer bien plus une « saison noire » sur le plan économique pour notre compagnie comme pour l’île tout entière.
En revanche, si lors de la deuxième quinzaine de juin nous avions la chance de constater que les choses s’arrangent, il ne serait pas trop tard pour mettre les bouchées doubles en juillet et en août en termes d’activité, d’autant que la Corse pourrait alors jouer un réel rôle de « destination refuge » pour nombre de vacanciers qui ne pourraient pas aller plus rien. C’est une hypothèse encore faible quant à sa probabilité de se réaliser mais nous nous y préparons avec tous les acteurs concernés. J’en veux pour preuve les appels que je reçois de la part de T.O. spécialisés dans le long-courrier que j’ai connu dans une vie professionnelle antérieure. Ils me disent vouloir « reprotéger » sur la Corse les commandes qu’ils ont engrangé depuis longtemps pour l’été à venir sur L’Asie, l’Océan Indien ou la Caraïbe. Je ne suis pas inquiet sur notre capacité à rebondir très rapidement.
Les 700 salariés d’Air Corsica sont prêts à réagir au premier signal. Nous avons déjà prouvé par le passé que nous savions nous adapter aux situations les plus improbables dans des délais très courts. Par exemple au cours de l’hiver dernier quand la « tempête Fabien » a frappé la Corse : nous avions dû déplacer notre siège d’Ajaccio dans des installations de fortune à cause des inondations, les quatre aéroports de l’île ont été fermés toute la journée de dimanche 22 décembre, et pourtant nous avions fait une promesse au 20.000 clients que nous avions à transporter avant le 24 décembre au soir : « ne vous inquiétez pas, vous serez sous votre sapin pour le réveillon ». Eh bien, nous avons tenu cette promesse, en faisant voler nos 12 avions quasiment nonstop pendant 36 heures malgré une météo qui demeurait difficile, nous avons affrété des avions en Italie et en Croatie pour venir nous aider et aussi loué tout ce que la Corse possédait comme autocars pour réacheminer les passagers entre Bastia, qui avait rouvert, et Ajaccio qui est demeuré fermé une semaine de plus. Ce genre de défi, je sais que les 700 salariés d’Air Corsica sont capables de le relever et nous serions tous ravis de nous mobiliser de la sorte pour sauver la saison estivale. Cela voudrait tout simplement dire que ce cauchemar est fini.
gate7 du 11 mai